MADAGASCAR: QUAND LA DROGUE FRACASSE UNE VIE

1 Déc 2024 | Monde, Par défaut

Sa colonne vertébrale  fracassée

Lors d’une mission évangélique organisée en octobre 2023 à Madagascar, nous nous sommes rendus dans le quartier d’Ambatondrafandrana, situé dans la ville de la haute. La pauvreté et la misère des personnes y vivant étaient frappantes. Cette visite nous a conduits dans la maison d’un jeune homme appelé TSIORY que nous avons trouvé alité depuis des mois car toute sa colonne vertébrale était fracassée.

 

Tsiory alité chez lui.

Paradoxalement, ce qui est le plus connu de ce quartier est son palais. Pourtant, ce dernier contraste fortement avec le quotidien des jeunes du voisinage, qui sont loin de mener une vie de palais. Plusieurs ne vont pas à l’école par manque de moyens financiers. S’il n’est déjà pas évident de trouver un emploi après des études, c’est encore pire lorsqu’on n’en a pas fait. Sans perspectives, la drogue est donc devenue le refuge de la majorité des jeunes de ce quartier.

palais de justice d’ambatondrafandrana

Au mauvais endroit au mauvais moment

Pour se procurer, il faut bien entendu de l’argent et n’en ayant pas, ces jeunes s’adonnent aux vols, en commençant dans leur propre quartier leur « butin ». Et ce qu’ils volent à leurs voisins, ils le revendent souvent à d’autres voisins. Cette situation a généré des trafics en tous genres (drogues, objets volés, etc.) et des règlements de compte sanglants. Las de cette situation, et face à l’absence du gouvernement pour éradiquer ce problème, qui, du reste, est national, certains habitants du quartier choisissent de régler les choses à leur manière.  C’est dans ce contexte pour revenir à Tsiory, qu’il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Un jour passant à un endroit du quartier d’ambatondrafandrana où il y eut un vol, il fut désigné, par la clameur publique, comme responsable. Tentant de s’enfuir, ce qui probablement aux yeux du public était une preuve de sa culpabilité, il a été rattrapé et ensuite balancé dans un ravin.

Madagascar terre de transit de l’héroïne et de la cocaïne

Cette problématique n’est pas spécifique au quartier d’Ambondrafandrana. Cette situation prévaut surtout dans les zones rurales et suburbaines où les jeunes souffrent d’un manque d’éducation de qualité́ et sont exposés à un niveau élevé́ de chômage et de sous-emploi, ce qui les entraine dans toute sorte de délinquance (1), dont la prise de drogue qui est de plus en plus un fléau parmi les jeunes malgaches (2). Selon un rapport publié par le Service central des stupéfiants et des substances psychotropes dans la capitale, des jeunes adolescents deviennent dépendants à un très jeune âge. La drogue envahit même le milieu scolaire. Tabac, alcool, cannabis, drogue injectable ou en poudre… les jeunes sont de plus en plus exposés à leur consommation. Le trafic est certes faible, mais il existe. Un centre de désintoxication de la capitale a même révélé que ses services reçoivent près de 4 à 5 jeunes par jour âgés entre 14 et 18 ans, pour une désintoxication.  Et la situation risquerait d’empirer car depuis la fin de la crise sanitaire et la réouverture des frontières, les trafics transnationaux ont repris. Madagascar a pris une place plus importante dans cette nouvelle configuration devenant une terre de transit de l’héroïne et de la cocaïne (3). 

Que  faire pour qu’il n’y ait pas d’autres Tsiory ?

Le cas de Tsiory avait mobilisé plusieurs. Loin de retrouver toutes ses facultés, toutefois grâce à Élohim (Dieu), sa situation s’améliorait. Cependant, malgré les efforts consentis pour lui venir en aide, celui-ci a été rappelé par le Seigneur. Sa mort, loin de nous décourager, a été une interpellation. Il s’est naturellement posé cette question : que  faire pour qu’il n’y ait pas d’autres Tsiory ? Il est vrai que nous ne pouvons éviter une telle fin (physique du moins, car spirituellement Tsiory avait fini par donner sa vie au Seigneur Yéhoshoua (Jésus)), à tous ces jeunes. Cependant, en sortir ne serait-ce qu’un seul de cette spirale serait une victoire.

Julio (à gauche) et Fano (droite)

Face à ce qui semble être une fatalité, d’autres jeunes du même quartier souhaiteraient s’en sortir. À l’exemple de Julio (23 ans) et Fano (31 ans) (4), qui ont accepté de nous partager leur réalité et leurs besoins, entourés de leur famille. Des initiatives sont mises en place pour tenter de venir en aide à ces jeunes gens. Des formations gratuites en anglais et en français(5)  ainsi que des cours de couture (6) sont proposés, en plus d’une assistance sociale globale. Des aides ponctuelles sont également fournies pour soutenir des jeunes motivés et déterminés à s’en sortir, tels que Fano et Julio. Ces actions peuvent sembler être actuellement qu’une goutte d’eau dans un océan de misère, mais elles peuvent apporter de l’espoir. Et comme on dit, l’espoir fait vivre.

Sources:

(1) Microsoft Word – Rapport final de l’évaluation finale Youth Justice CAST 26052021.docx (africaymca.org)

(2) https://www.matin.mg/?p=3768

(3) https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240304-madagascar-une-%C3%AEle-%C3%A0-la-crois%C3%A9e-de-plusieurs-grands-couloirs-internationaux-du-trafic-de-drogue

(4) https://www.quiestmonprochain.com/articles/sortir-de-la-spirale-de-la-drogue-entretient-avec-julio-et-fano/

(5) https://youtu.be/GjakZC8k_Aw?si=hVTp-iemrjNEV4G-

(6)https://youtu.be/GjakZC8k_Aw?si=03jrrQ4N8llX6pbL